CITATIONS

J’ai dit à mes jeunes étudiants: « Vous voulez faire de la peinture? Avant tout il vous faut vous couper la langue, parce que votre décision vous enlève le droit de vous exprimer autrement qu’avec vos pinceaux. »
Henri Matisse, Écrits et propos sur l’art. Hermann, p 190

 

Reprocher à une œuvre d’art d’être incompréhensible, c’est lui reprocher d’être une œuvre d’art. C’est la même chose si on lui reproche de ne rien donner. L’art est comme les stimulants : ceci ne donne rien, mais au contraire prend, déchaîne et libère quelque chose dans le spectateur même.
Asger Jorn, Pour la forme. Editions Allia, p. 66

 

Quand une peinture est finie, c’est comme un nouveau-né, et il faut à l’artiste lui-même du temps pour comprendre. Alors, comment peut-on attendre d’un amateur qu’il comprenne ce que l’artiste ne comprend pas encore. Matisse, Écrits … . p 90

Une peinture « est ». On la reçoit entière, d’un seul bloc ; d’où peut-être la difficulté d’expliquer après coup le pourquoi.

Quand les gens veulent comprendre le chinois, dit Picasso, ils pensent : il faut que j’apprenne le chinois, non ? Pourquoi, ils ne pensent jamais qu’il faut qu’ils apprennent la peinture ?
André Malraux, La tête d’obsidienne. Gallimard, p. 106

 

Au XIe siècle, Liu Tao-ch’un a dit :
Premier Essentiel : L’action du Ch’i (Souffle ou Esprit), et la vigueur des coups de pinceau vont de pair.
Cinquième Essentiel : Le pinceau doit être manié avec tzu jan (spontanéité ou naturel).
Mai-mai Sze, The Way of Chinese Painting. Vintage Books, Random House, p 132

Dans le Manuel de Peinture du Jardin de la Graine de Moutarde (1679), le « Livre du Prunier » nous dit : Le pinceau doit être leste, inspiré avec une certaine folie. La main doit se déplacer comme l’éclair, sans hésitation. » Ces phrases devaient être mémorisées par la récitation.
Mai-mai Sze, The Way … . p 329

C’est la main qui fait tout, souvent sans intervention de la pensée.
Picasso, Propos sur l’art. Gallimard, p 26

Le beau enferme, entre autres unités des contraires, celle de l’instantané et de l’éternel. Simone Weil, La pesanteur et la grâce. Plon, p 169

Il faut chercher quelque chose qui se développe tout seul, quelque chose de naturel, de pas fabriqué, que ça se déploie comme c’est, « en forme de naturel et pas en forme d’art ». L’herbe comme l’herbe, l’arbre comme l’arbre, et le nu comme le nu. Picasso, Propos … . p 151

Pour les peintres chinois, le but à atteindre est d’exprimer le Tao – le Chemin, croyance fondamentale chinoise dans l’ordre et l’harmonie de la nature. L’apprentissage nécessaire était à la fois spirituel, intellectuel, et technique, pour arriver à l’essentiel : la co-ordination « cœur et main ». En chinois, l’esprit est représenté par le caractère hsin (cœur) ; le cœur était perçu comme le siège du spirituel, de l’intelligence morale, et de la perception, sa fonction étant de penser et aussi de contrôler les émotions.
Mai-mai Sze, The Way … . p 34

De l’indentification du peintre avec son sujet naît la fulgurance du pinceau.

Ainsi Wang Wei (415-443) a écrit : « L’œil humain est limité et ne peut voir tout ce qui y a à voir, mais un peintre par le moyen d’un pinceau délicat peut représenter l’univers entier, c'est-à-dire la multiplicité de la nature où manifeste l’esprit divin. »
Mai-mai Sze, The Way … . p 39-40

 

Le Tao est souvent décrit comme grand, ta (unité). Ta est aussi le mouvement vers l’avant et vers l’extérieur, et le retour vers l’intérieur qui complète le circuit. Ce parcours circulaire, ou plutôt spiral, décrit l’effort pour atteindre l’unité ; processus qui permet de se réunir avec le Tao. Ce parcours lui-même est le chemin naturel et inévitable, commun à toute chose.
Mai-mai Sze, The Way … . p 17

 

Quelquefois, j’ai l’impression que la toile que je viens de faire revient de loin ; c'est-à-dire qu’elle me rappelle, subitement, une période de mon travail passé, parfois de plus de dix ans. Cette affinité imprévue (avec un travail passé) s’est imposée d’elle-même.
Il arrive aussi qu’au milieu d’une suite cohérente de tableaux arrive un qui se démarque et « ne ressemble à rien ». Là aussi, il faut le voir et l’accepter, ne pas le détruire en le ramenant dans la continuité du travail en cours. J’ai appris que ce sont les graines du travail à venir. Spirale.

La liberté de peindre, c’est la liberté de libérer quelque chose de soi-même. Il faut faire vite, ça ne dure pas.
Picasso cité par Pierre Cabanne, Le siècle de Picasso, Vol 4. Gallimard, p 560

 

 

L’émotion qui va plus loin que notre intellect.
Appel cité par Jean Clarence Lambert, Karel Appel. Edition cercle d’art, p 163

Vitesse-spontaneité-naturel-émotion
Les premières lignes, taches, plages de couleurs sont posées très rapidement, le corps entier en mouvement, spontanément, occupant tout l’espace de la toile. Ces éléments déclenchent d’autres, la main agissant dans l’instant. La rapidité du geste court-circuite la pensée.
Étape
Suit un travail du regard, pour voir ce qui est là.
Ainsi la toile se développe, la durée peut être de quelques heures à plusieurs mois. Chaque étape où la toile est soumise au regard est potentiellement un point de résolution, suspendue. … Si la toile ne résiste pas, tout recommence, et elle devient un autre tableau.
Je cherche ce lien direct entre la rapidité du geste et l’expression de l’émotion.

Le tableau comme bagarre
Un
Il y a du chrome dans l’air.
Deux
Il fait vert.
Trois
Le rouge est mis.
Fin
On n’a pas froid aux yeux.
Jean Clarence Lambert, Karel Appel. Edition cercle d’art, p 134

Ce moment du travail par où il faut passer, ce « corps à corps avec la peinture », A. Toriumi l’appelle « état de siège ». Sûrement, un état de siège réciproque où le peintre et sa toile sont assiégés tour à tour.

Les constantes modifications que je dois faire, que je fais sur une toile, je ne les prévois pas – c’est bien souvent un état qui se rapproche de l’hystérie, et c’est involontaire. Ce n’est pas une méthode de travail, mais j’ai découvert qu’il y a de grands moments, même là-dedans, et que la confusion créée par cet état frénétique peut donner de bons résultats. … Ce n’est pas prémédité. Je ne me torture pas. Je sais qu’il y a cette idée que l’artiste vit un drame, etc., mais c’est la vie, tout simplement. C’est le côté douloureux.
Willem de Kooning, Écrits et propos. [énsb-a], p. 66

Picasso pense-t-il à ce moment quand il écrit dans son carnet : « La peinture est plus forte que moi, elle me fait faire ce qu’elle veut. »
Picasso cité par Michel Leiris, Journal 1922-1989. Gallimard, p 595-596

J’ai été très mal à mon aise pendant la projection de ce film. Beaucoup de choses m’y ont gêné … Il est très indiscret de montrer votre visage intime pendant le travail …
Je me suis senti déculotté, nu, parmi l’assistance … Mais c’était une inoubliable leçon pour moi … J’ai été bouleversé par le ralenti … Quelle chose étrange ! Soudain, on voit le travail de la main, tout à fait instinctif, surpris par la caméra et décomposé … Cette séquence m’a consterné … Je me suis demandé tout le temps : « Mais est-ce bien toi qui fais ça ? Que diable puis-je faire en ce moment ? » J’ai été sans aucun repère … Je ne reconnaissais ni ma main ni ma toile … Et anxieux je m’interrogeais : « Va-t-elle s’arrêter ? Va-t-elle continuer ? Quelle direction va-t-elle prendre ? » J’ai été stupéfié de voir ma main continuer encore et encore jusqu’à un point final … D’habitude lorsque j’entame un dessin, j’ai le trac, sinon l’angoisse. Mais je n’ai jamais eu autant la frousse qu’en voyant au ralenti ma pauvre main aller à l’aventure, comme si j’avais dessiné les yeux fermés …
Matisse cité par Brassaï, Conversations avec Picasso. Gallimard, p 316-7

L’esprit ailleurs, le corps, du coup, se dévoile dans son intimité la plus absolue. Je ne peux bien travailler que seul.

[…] il me semble que j’approche de quelque chose. Dans ces toiles-là [les dernières toiles d’Avignon] j’arrive à dire des choses. Je n’ai fait seulement que commencer. Ce qu’il faudrait, c’est trouver le naturel … le moyen de rendre la chose naturelle. Que la peinture soit tellement intelligente qu’elle devienne la même chose que la vie. Mais faite avec la peinture …
Il a ri en disant que peut-être jamais il n’avait été « aussi peintre » que dans ses dernières toiles. Picasso cité par Hélène Parmelin, Voyage en Picasso. Robert Lafont, p 217

 

 

Je ne dis pas tout mais je peins tout.
Picasso cité par Hélène Parmelin, Picasso dit …. Gonthier

 

 

 

 

 

 

Khoa Pham
Châteaurenard, juilllet 2003

 

 

 

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