Enfant, mon grand père qui était calligraphe, m'a
initié à la peinture. Je le regardais peindre et il
m'apprenait à faire les gestes et les traits avec de la craie
sur un tableau noir. Je commençais par faire des arbres,
toujours du bas vers le haut, du centre vers l'extérieur,
dans le sens de la croissance. Le tronc, les branches principales
d'abord, puis les rameaux secondaires et finalement les feuilles.
Quand il a vu que j'avais acquis l'aisance avec la craie, il m'a
montré le maniement du pinceau et de l'encre. Je me souviens
du moment où il m'a appris à peindre des oiseaux.
Je l'ai regardé dessiner la branche, puis l'oiseau qui venait
s'y poser. Tout excité, je prenais mon pinceau et commençais
par peindre l'oiseau selon son modèle. Une fois terminé,
il me demandait en souriant, « crois-tu que c'est possible
ce que tu viens de faire? » . Je ne comprenais pas, tout fier
de mon dessin. « Tu viens de peindre un oiseau qui est perché
dans le vide. » Dans mon impatience, j'avais négligé
de dessiner en premier la branche que je savais déjà
si bien faire ...
A dix ans, après sa mort, j'ai ressenti la nécessité
d'apprendre à dessiner et à peindre dans la tradition
occidentale. Cet apprentissage passait par une étude systématique
de la peinture occidentale. Quand je rencontrais un problème
formel dans ce que je faisais, par exemple comment peindre les contours
d'un objet clair sur un fond sombre, j'allais au musée pour
voir comment cela se résolvait.
De temps en temps il y avait aussi des incursions dans la peinture
contemporaine. La tradition calligraphique n'était jamais
loin, mais mes essais s'épuisaient rapidement. Une grande
partie de ce travail figuratif était des portraits. Saisir
la réalité. C'était vraiment le désir
de recréer l'autre qui me motivait.
En 1984-85, les fonds de ces portraits très réalistes
devenaient de plus en plus simplifiés et abstraits. Je me
suis rendu compte alors que le sujet me figeait. Je délaissais
peu à peu la figuration pour explorer le langage abstrait
avec des collages. Je suis progressivement revenu à la peinture
avec des thèmes venus des collages. Ces peintures sur toile
libre, de 1987 à 1990, étaient structurées
par des empreintes, jouant sur l'ambiguïté du plan et
de la profondeur.
Ce travail a évolué vers une peinture centrée
sur la couleur, la lumière, où l'espace faisait référence
au paysage, à la nature. Le dessin avait disparu des toiles.
Il ne restait que la vibration de la couleur. Souvent ces toiles
de 1990-92 étaient presque monochromes. En 1992-94, j'ai
ressenti à nouveau la nécessité du dessin,
qui est réapparu de ces fonds.
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