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xxxxxxxxLa terre
est art.
xxxxxxxxLe photographe en est seulement
le témoin.
C'est ainsi que Yann Arthus-Bertrand a commenté
ses incroyables photographies dans La Terre Vue du Ciel.
(Le texte suivant est écrit par Khoa Pham pour mon exposition
à la Galerie J.-E. Bernard (Avignon). Cette exposition consistait
principalement en photographies des légumes. Cependant, les
observations dans le texte sont applicables à la plupart
de mes photographies.)
Chacun interprète les choses qu'il voit à travers
les perspectives uniques de son origine et de son vécu. Quand
Herbert Miller va au marché, il regarde les produits exposés,
étalage par étalage, selon deux points de vue, celui
d'un photographe et celui d'un épicurien.
L'œil du photographe voit couleurs, textures, rythmes, jeux
de lumières, et parfois les juxtapositions invraisemblables
des formes et des aliments eux-mêmes. Les dispositions des
étalages sont l'œuvre des marchands. L'arrangement peut
être délibéré, comme ce chemin d'asperges
blanches traversant un champ de fraises ; mais l'étalage
peut aussi être le fruit du hasard.
L'œil de l'épicurien, en même temps, voit la
fraîcheur, les saveurs, les mélanges possibles de ces
ingrédients qui excitent ses papilles gustatives. Les poivrons
pourraient être de formes parfaites ou grotesquement déformées.
De toute façon ils lui disent : « Imagine la bonne
pipérade que tu pourrais faire de nous, ou peut-être,
préfèreras-tu nous griller tout simplement …
mais, s'il-te-plaît, prends d'abord notre photo ». Tel
fut le sort des tendres choux chinois : d'abord la photo et puis,
plus tard, blanchis et légèrement sautés à
l'huile avec juste une pincée de sel et de poivre.
Pour Herbert, ces deux perspectives sont inséparables:
image-nourriture.
Les étalages de marchés, en France et aux Etats-Unis,
sont le sujet des photographies sur lequel Herbert Miller se concentre
depuis 1999. (Actuellement, il est fasciné avec des cimetières.)
Les compositions sont photographiées dans l'instant, sans
arrangements ni autres interventions sur les conditions de prises
de vues. Ces photos montrent en général un seul produit
- fruits, fleurs, légumes … remplissant tout le cadre.
Le cadrage serré crée des champs colorés, tantôt
monochromes, tantôt multicolores. De loin, le sujet devient
secondaire par rapport au motif abstrait que produit son accumulation
ou sa répétition. Souvent, l'aspect graphique des
photos est accentué par une simple structure géométrique
sous-jacente: division horizontale ou verticale, alignement. Le
sujet lui-même … les étalages vus frontalement
ayant une profondeur de champ réduite … contribue aussi
à créer l'effet d'une surface très picturale,
où les couleurs et les matières acquièrent
une indépendance par rapport au sujet.
Pourtant, ces photographies ne basculent jamais complètement
dans l'abstraction. Elles restent des représentations très
tactiles et concrètes d'objets qui sont presque toujours
montrés grandeurs natures. Par des détails, comme
le cure-dent pris dans le filet des poivrons, ou l'étrangeté
du radis japonais à peau verte et à chair rose indien,
ou encore ce souci d'archiviste à préciser les lieux
où les photographies ont été prises, Herbert
indique que ce sont les spécificités des étalages
qui l'intriguent. Elles engendrent parfois des métaphores
cocasses: défilé d'artichauts, rangées de crabes-casques
de samouraï, nuit étoilée hollywoodienne de statices
… Tout cela ancre résolument ses photos dans le tangible
et l'immédiateté du plaisir que procure ce réel.
Rien dans la formation de Herbert Miller ne laissait présager
un tel travail photographique sur les marchés. En effet,
diplômé de mathématiques, docteur en «
sciences de l'éducation », il fut d'abord enseignant
à l'Université de Californie du Sud. Depuis trente
ans il exerce en tant que consultant en éducation et formation
pour des entreprises comme IBM, Eastman Kodak, et Xerox.
Né à Rochester, dans l'état de New York, il
vit à Los Angeles depuis 1967. Il partage aujourd'hui son
temps entre Los Angeles et Paris.
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